Ce type de document constitue, comme c'est le cas chez d'autres poètes, un élément crucial de la genèse du poème définitif et intéressera à ce titre tous ceux qui se penchent sur le processus d'écriture de Glissant. En ce sens, dans le contexte de ce processus dense, ce document, Terra (livre d'artiste publié en 1990 dans ce tirage volontairement embryonnaire), nous apparaît bien comme un seuil précédant l'édition définitive : seuil de la création en marche, seuil du poème en gestation, seuil vers la cristallisation à venir de l'imprimature. Encore et toujours le passage des seuils, dans la pensée et ses redéploiements, dans la création en son mouvement intinsèque.
© Ce document, dans sa version électronique, est une exclusivité du site Édouard Glissant.fr provenant d'une collection privée. Pour le citer, il convient d'indiquer cette exclusivité de diffusion.
Vous pouvez dorénavant retrouver cette archive également au sein de la rubrique des Documents vidéos de la Médiathèque en ligne, à la page "Références vidéos en ligne"
L'autre archive que nous avons le plaisir de vous offrir en ce début 2014, qui nous donne à apprécier un autre seuil, est exceptionnelle à plus d'un titre. Elle provient d'une collection personnelle et nous a été transmise par son propriétaire, M. Georges Servat, qui la propose à Édouard Glissant.fr afin que tous les "glissantiens" puissent y avoir accès. Nous sommes par conséquent très heureux de pouvoir la mettre à disposition des uns et des autres et au nom de tous les lecteurs d'Édouard Glissant, je tiens à remercier M. Georges Servat pour ce don inestimable.
Cette archive est exceptionnelle tout d'abord par sa rareté même : vous pourrez consulter ici en format pdf une édition rare tirée à sept exemplaires. Elle est citée dans la bibliographie annotée d'Alain Baudot (GREF, 1993) et outre sa rareté même, son intérêt principal réside dans le fait qu'elle constitue une première version publiée du poème "L'œil dérobé" dédié à Jean-Jacques Lebel et repris par la suite dans Les grands chaos. Intitulé Terra, l'ouvrage est numéroté, et comporte une dédicace à Georges Servat qui fut le graphiste et metteur en pages du Courrier de l'Unesco et qui fut donc le collaborateur d'Édouard Glissant à l'UNESCO à l'époque où il dirigeait la revue de l'institution internationale. C'est lui qui fabriqua ce petit ouvrage à la demande de l'écrivain et qui en illustra la vignette de couverture (le frontispice fut réalisé par son épouse, Isabelle Wolff).
Cette version de "L'œil dérobé", on aura le loisir de le constater et de l'analyser, diffère sensiblement de la version définitive retenue dans le volume des Poèmes complets publié en 1994 chez Gallimard. L'agencement typographique, les choix prosodiques sont entre autres les aspects premiers de cette différenciation, mais on y lira également en plusieurs portions du poème, des cas de réécriture dans la version de 1994.
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Pour le passage à la nouvelle année, plutôt que de sacrifier à quelque tradition lénifiante, quoi de mieux que de saisir l'occasion pour réécouter et relire Édouard Glissant, considéré sous l'un des aspects sans doute les plus caractéristiques de sa pensée et de son œuvre, dans laquelle nous verrons le goût des dépassements. Car cette pratique de la littérature qui fut la sienne aura certainement ceci à nous rappeler, constamment : la nécessité et même l'urgence des mutations, des transformations fécondantes et la capacité à toujours passer les seuils. Tout ce en quoi il est vain, voire faussé de vouloir comprendre sa pensée autrement que dans le mouvement et la labilité qu'elle donne à apprécier, à l'opposé de toute fixité. Tout ce en quoi, aussi, elle est exemplaire d'une continuité qui n'entrave jamais les déplacements, invitant lecteurs, critiques et créateurs à emprunter le même tourbillon auquel Glissant n'a jamais cessé de s'identifier, dans son écriture comme dans sa vision su monde.
En cette amorce de la nouvelle année, Édouard Glissant.fr vous offre deux archives, histoire de replonger dans cette si salutaire passion des seuils. La première est une archive vidéo, un entretien avec Édouard Glissant réalisé en 1987 lors de la parution de Mahagony. Il y présente les principaux aspects de son roman et en profite pour dire combien il pressent, il prévoit, il dessine déjà à ce moment de l'édification de son œuvre, la fin d'un cycle, celui de la réflexion sur l'ancrage (de La Lézarde au Discours antillais, du Sel noir au Quatrième Siècle) et le début d'une nouvelle phase, celle d'une exploration de l'ouverture qu'il ne cessera en effet de décliner à partir de Tout-Monde. C'est en somme le trait d'union, le passage entre ces deux cycles qu'explique Glissant lors de cet entretien et que représente à ses yeux le roman Mahagony : le moment décisif d'un essaimage de tous les fruits de ce nouvel élan, par les ferments et l'achèvement de la traversée passionnée de l'ancrage, de ses richesses mais aussi de ses impasses.
