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NOTICES  (NB. L'ensemble des romans de

Glissant a été réédité aux Éditions Gallimard en 1997)

Une pensée archipélique

ÉDOUARD GLISSANT

Sartorius, le roman des Batoutos (Gallimard, 1999) : Ce roman constitue-t-il la vaste métaphore d'une réflexion de fond menée sur la diversité humaine et de l'appréhension de la question par l'écrivain lui-même ? On est en droit de le penser, tant le motif s'accorde ici au dessein : les Batoutos, peuple imaginaire dont l'existence réelle est un moment envisagée dans l'ouvrage, représente à lui seul les dépossessions, les mutilations de mémoire et autres déveines qui découlent de la colonisation du continent africain. Les Batoutos, ignorés jusqu'à leur existence même (le statut de l'imaginaire rejoint le statut bien réel de l'annihilation subie), représentent à eux seuls les destinées tragiques arrimées à la conquête de l'Afrique par l'Occident triomphant. Ils militent aussi, par leur exemple même, pour le soubassements des stratégies de résistance face à la vaste négation et le nihilisme existentiel qui font la chair de l'entreprise de la colonisation et de toute domination de la fragile grammaire des peuples.

Malemort (Seuil, 1975) : Glissant repousse encore plus loin la destructuration de toute narration dans ce roman qui en déconcerta plus d'un. Comme toujours chez l'écrivain, ce type de démarche formelle n'a rien de fortuit ni de simplement esthétique, mais correspond à une vision précise de la réalité qu'il décrit. Encore en exploration sans concession de la société coloniale à travers le prisme de sa chronologie propre, c'est un constat effrayant de la déréliction et du non-sens qui l'emporte dans ces récits superposés qu'on a dit à juste titre profondément désenchantés. C'est qu'ils dessinent de la manière la plus abrupte, des scènes où se côtoient les échecs successifs et répétés des expériences de révolte ("Tombé lévé", 1788-1974), la chronique de la médiocrité quotidienne (les magouilles électorales, avec "L'urne", 1945-1946 ; la lente décrépitude de trois enseignants, avec "Une cure de silence", 1940-1948), la folie et la violence (celle de la soif d'or de Médellus, à la recherche d'un hypothétique trésor - "Braises", 1938-1958 ; celle de Dlan, pris d'une fureur mystique - "Baillons", 1962-1973 ; celle du non-sens - "Pays", 1974), ou encore la perpétuation de l'ordre colonial ("Terres noires", 1944-1973). On pourrait croire en une succession de nouvelles, mais c'est le discours narratif lui-même qui est ainsi comme entravé par la tragédie de l'aliénation du pays soumis aux névroses coloniales.

  

Ormerod (Gallimard, 2003) : Celui qui aurait pu croire qu'avec Tout-Monde, le tourbillon des genres et des narrations avait atteint un sommet indépassable chez Glissant sera sans conteste encore étourdi par ce nouveau pic vertigineux en la matière. Il semble que déjouer toute tentative d'un résumé linéaire soit bien l'intention avouée de l'écrivain, qui se plaît à mélanger toutes les situations historiques, tous les personnages avérés et les créations fictionnelles. Une "unité" peut-être : celle de représentations très diverses et selon des instances infiniment plurielles, d'époques et de personnages révolutionnaires, personnages caribéens en lutte contre la colonisation ou l'impérialisme. C'est en effet ce qui fait le dénominateur commun entre la fin du XVIIIe siècle à Sainte-Lucie, le XXe siècle en Martinique ou à Grenade, entre les héros de ces temps de lutte et la geste de la révolutionnaire sainte-lucienne Flore Gaillard. Non un héroïsme complaisamment représenté ou mis en scène, mais des comme les pans d'une mémoire collective en lambeaux.

Tout-Monde (Gallimard, 1993) : C'est peut-être avec ce roman que le dialogue des genres atteint un degré phénoménal dans l'oeuvre de Glissant, puisqu'on serait en mal d'y déceler une unité de ce point de vue, tant l'ouvrage imposant, est tout entier fondé sur un "emmêlement" où narrations, registres formels et instances narratives se croisent et s'entrecroisent, réalité autobiographique reformulée et évolution des personnages des précédents romans se nourrissant l'une l'autre. L'appréhension de l'ouvrage requiert indéniablement du lecteur une attention soutenue, mais l'essentiel est peut-être de se laisser emporter dans ce nouveau tourbillon volontairement démesuré. Il s'agit aussi de faire sentir, pour l'écrivain, qui connaît là un tournant de son oeuvre, que désormais tout récit et tout genre sont consubstantiellement liés, mis en relation avec la vaste pluralité de tout discours, sur lequel n'a plus prise l'auteur lui-même (bien sûr). L'écrivain va d'ailleurs appliquer cette conception jusque dans l'édition, en parallèle au roman, de l'essai Traité du Tout-Monde, où Mathieu Béluse tient aussi le rôle de co-auteur.

La Case du commandeur (Seuil, 1981) : On pourrait, dans une certaine mesure, voir en ce roman contemporain du Discours antillais, un peu le pendant du Quatrième siècle, par sa plongée dans la généalogie, qui est cette fois-ci celle de la compagne de Mathieu Béluse qu'on a déjà croisée dans La Lézarde, Mycéa, ou Marie Celat. La similitude est voulue, mais le déroulé généalogique tient ici d'autres fonctions que dans le roman de 1964. Il s'agit en somme, de donner à voir non seulement tout le désordre de la mémoire non inféodée aux narrations officielles mais aussi à tout ce qu'elle recèle de ressentiment envers les trahisons séculaires sur laquelle la traite fut fondée. On remonte ainsi à l'Afrique originelle qui a vu ces trahisons fraternelles se nouer (celles qui sont mises en abyme au centre du roman, autour du personnage d'Odono, le premier marron). Mais le roman ne se fige pas à ce tourbillon généalogique : de retour à l'époque de l'intrigue de La Lézarde, le personnage de Marie Celat voit sa rébellion reconnue comme folie par les autorités. Comme souvent chez le Glissant de cette époque, les représentations du motif de la folie sont fréquentes, et font d'ailleurs écho aux réflexions sur les données névrotiques, qui parcourent Le Discours antillais. Avec La Case du commandeur, l'exploration qui conditionnait Le Quatrième siècle se confronte aux désordres personnels des personnages.

Mahagony (Seuil, 1987) : En démultipliant les avatars du motif fondateur du marronnage, Glissant représente avec Mahagony la diversité des voies de cette commune stratégie de soustraction à l'ordre colonial. Ce qui aurait pu n'être qu'une généralisation s'avère au contraire l'occasion d'une sorte de dramaturgie extrêmement efficace. Les protagonistes de ce démultiplication du marron incarnent littéralement, par la voix de Mathieu Béluse, qui a mué en narrateur, les différentes modalités de cette résistance : l'enfant de deux esclaves qui fuit l'Habitation en 1831 partage avec le géreur qui en 1936 fait de même après avoir tenté de tuer le béké et avec l'adolescent révolté qui en 1978 tente de même d'assassiner des militaires, la communauté d'une rébellion qui signe dans le geste du marronnage, une dissidence radicale d'avec l'ordre colonial. C'est reconnaître que cet ordre sécrète en permanence sa propre subversion, et c'est même au centre de l'histoire de la colonisation la figure du marron, non comme une représentation mythifiée, mais comme topos transversal, réalité diachronique fondamentale.

Au moment du Prix Renaudot

Le Quatrième Siècle (Seuil, 1964) : C'est une large ambition qui parcourt de part en part ce roman foisonnant et parfois complexe, avec le projet d'une remontée aux origines de l'histoire antillaise, puisqu'il s'agit de retracer la généalogie et l'aventure des deux lignées des Béluse et des Longoué (dont les descendants, Mathieu et Papa Longoué, apparaissaient dans La lézarde). Le roman assume ce vaste dessein non sous la forme attendue de la saga, mais plutôt celle d'une exploration à la fois avide et âpre, et à la poursuite de laquelle les moyens les plus divers de la narration et du langage sont mis en oeuvre, comme s'il s'agissait de recouvrer en somme, au-delà des évidences du donné historique, les soubassements de non-dit, tout l'envers du réel colonial. Sur quatre siècles, deux lignées, et deux attitudes antagonistes face à l'ordre : les Longoué, esclaves marrons indomptables et ténébreux, les Béluse, qui ont enduré la vie de l'Habitation ; deux modes de résistance aussi, pour dire la complexité des positionnements, où le rebelle et le servile partagent la destinée tragique de la colonisation, en quête de libération. Le grand récit de la colonisation tient indéniablement avec Le quatrième siècle, une geste fondatrice et ouverte.

La Lézarde (Seuil, 1958) : C'est avec ce premier roman que le tout jeune écrivain remporte en 1958 le prestigieux Prix Renaudot, et voit sa carrière lancée sur d'excellentes auspices, compte tenu du succès à la fois critique et populaire dont jouit dès sa sortie ce roman qui bruisse déjà des thèmes de l'oeuvre entière, et des principaux traits de son écriture fictionnelle. Un récit diffracté qui se joue de la chronologie, une présence aiguë du poétique, une démultiplication prononcée des points de vue narratifs : avant de se retrouver encore amplifiés par la suite, les différents aspects d'un éclatement du narratif sont décelables dans cette première salve romanesque. La ville de Lambrianne, en 1945, est le théâtre de la lutte anticolonialiste d'un groupe de jeunes militants martiniquais (les personnages emblématiques de Glissant : Mathieu Béluse, Mycéa, Raphël Targin dit Thaël...), décidés à perpétrer un attentat contre le représentant de l'Etat, envoyé réprimer les velléités révolutionnaires qui se font jour durant la campagne des élections législatives. La trace des romans engagés de l'époque est sensible dans les dialogues entre ces jeunes gens idéalistes, à propos des données de l'action révolutionnaire et de l'anticolonialisme. Une intrigue amoureuse se mêle au récit (l'idylle de de Mathieu et Mycéa), qui trouve son unité par ailleurs avec le cours même du fleuve, la Lézarde.

Narration entrelacée


Renonçant à toute linéarité du récit, l’écriture romanesque de Glissant s’organise selon une complexité qui entend faire corps avec la restitution d’une réalité elle-même complexe. A l’échelle de chaque roman d’abord, puisque les agencements structurels sont à chaque fois innovants dans leur richesse : interruptions, digressions, anticipations sont le lot commun de ces récits, du point de vue de leur temporalité. Mais aussi complexité qui se vérifie au regard du corpus dans son ensemble, puisque certains personnages y sont récurrents, semblant bien indiquer qu’on est en présence dans certains cas, de cycles où nous sont restitués le parcours de plusieurs personnages-clés, mais aussi de générations entières, de lignées qui inscrivent leur pas dans le devenir de l’Histoire coloniale.

Une épopée antillaise


On pourrait être tenté par ce qualificatif, si on devait se fier à la trame des romans qui, de La Lézarde à Mahagony, livre comme autant de séquences (ou plus exactement, pour Le Quatrième Siècle, un panorama vertigineux) de cette Histoire chaotique qu’est celle des Antilles et plus particulièrement, de la Martinique. A l’image de cet imposant panorama que scrute Le Quatrième Siècle (et dans lequel se profilent des personnages qui réapparaissent ailleurs), autour de ces deux lignées des Longoué et des Béluse, l’épopée est présente dans le général, quand dans le détail, se trame justement tout ce qui échappe à la parole normative d’un récit épique. Ici, il s’agit surtout de redécouvrir les mécanismes cachés qui font de ces personnages les acteurs agissants aussi bien que les victimes d’une violence historique. Ils sont en tout cas les vecteurs de cette mémoire plurielle que cherche à redécouvrir l’écrivain.




    




  

Les critiques sont souvent bien en peine pour qualifier l’ambition de certains projets romanesques, surtout quand on est face à de vastes cycles qui impliquent comme une prise en charge, à nouveau, des ressorts du roman moderne. Ce sont là les marques d’une œuvre fictionnelle comme celle de Glissant où, de La Lézarde à Ormerod, se dessine ce qu’on a parfois qualifié de « massif romanesque » : reconstitution de l’histoire antillaise tant dans sa complexité écrite que dans ses épaisseurs de non-dit, regards fulgurants sur les persistances contemporaines de la « trace » des vieilles névroses de l’Histoire, désordres et enchantements de l’ouverture au monde – autant de pistes parcourues, et d’entrelacs tissés dans un vaste tout.









  

Romans : une constellation fondatrice

  

Une pensée

archipélique

ÉDOUARD

GLISSANT


  

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