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Une pensée archipélique

ÉDOUARD GLISSANT

Ci-contre : manuscrit du discours "De l'Utopie" prononcé par Edouard Glissant lors de la réception du Doctorat Honoris Causa de l'Université de Blogne, en 2004.

La cohée du Lamentin


« L’Utopie n’est pas le rêve. Elle est ce qui nous manque dans le monde. Voici ce qu’elle est : cela, qui nous manque dans le monde. Nous sommes nombreux à nous être réjouis que le philosophe français Gilles Deleuze ait estimé que la fonction de la littérature comme de l’art est d’abord d’inventer un peuple qui manque. L’Utopie est le lieu même de ce peuple. Nous imaginons, nous essayons d’imaginer ce qu’il en serait si nous ne pouvions pas inventer cela, quand même nous ne saurions dire ce qu’est cela, sauf que nous savons qu’avec ce peuple et ce pays peuplé nous serions et nous sommes plus près du monde, et le monde plus près de nous.

S’il n’en est pas ainsi, nous manquons au monde à notre tour. Et maintenant, est-il possible – dans l’aujourd’hui – de manquer au monde ? Cette question nous envisage. Comme de méditer si – c’était hier – les pensées de système et les systèmes de pensée ont pu faire Utopie, ou du moins en bâtir le lieu ? »



  

Glissant explique sa notion d'utopie, au micro de François Noudelmann (Les Vendredis de la philosophie, France Culture, 2003).

Utopia

« L’Utopie, par tradition et en Occident surtout, dessine une forme parfaite et l’enjoint à une réalité que l’esprit se donne pour fin de réformer. Nous pourrions dire que son intention et son travail sont avant tout normatifs.

Un objet à transformer (la Cité, la Société, les Humanités), une finalité de perfection, et une activité normative : la pensée de l’Utopie visait toujours à l’harmonie d’une Mesure. C’est par là que les pensées de système ont pu faire utopie ou peut-être en bâtir le lieu.

Dans la quête de cette Mesure, le projet utopique a fait l’économie de ce qu’il croit être l’inutile, l’accessoire, le contingent. Platon bannissait les poètes de la République.

Aucune de ces considérations n’est pertinente si l’on s’adresse aujourd’hui aux réactivations de la pensée de l’Utopie.

Nos utopies ne projettent pas la réforme d’un objet, elles ne prétendent en rien à un présupposé. Elles ne conçoivent aucun travail normatif qui inclinerait verts une forme parfaite. Elles s’inquiètent de concilier toute Mesure et toutes Démesures. Leur fonction est d’accumuler, nous semble-t-il , plutôt que d’élire. Leur art récite la totalité, qui ne serait totalitaire qu’à la condition de supposer un Modèle. » (pages 141-142)

Les Excipit – 4

« L’œuvre d’utopie est désir et recherche d’éternité. C’est qu’elle vise en premier à l’harmonie d’une Mesure. Il n’y a pas d’exemple reçu, à ma connaissance, d’une Utopie qui se serait fondée sur de la démesure : parce que la démesure est imprévisible, et que son éventuelle perfection laisserait toujours poindre la menace d’une disparition finale. Il serait difficile pour l’esprit humain de supposer une fin du monde accomplie dans la perfection de l’ordre et de la Mesure. Tout comme il ne pourrait se concevoir une éternité de la Démesure, de ce que nous appellerions communément et faussement un chaos, sans que la tentation vienne de supposer, à un moment imperceptible de cette éternité, la sécrétion d’un principe peut-être infinitésimal d’ordre et de mesure, qui viendrait restructurer ce chaos et au bout du temps le transformer.

L’Utopie a de tout temps requis l’ordre et la mesure, elle en avait besoin, puisqu’elle visait à une finalité de perfection, et que par là elle supputait, sans même avoir à les imposer, des normes, une activité de régence, dont le but était d’assurer un résultat final. C’est pourquoi les pensées qu’on estime d’utopie, et que je rapproche de ce que j’appelle des pensées de système, construisent pour se maintenir des ordres si terrifiants, qui ne tolèrent aucune distance, aucun écart. Partout on détruit et on massacre le plus généreusement du monde, hommes, femmes et enfants, les villes et les chemins qui y mènent, pour le bien d’une humanité future. Ces pensées bâtissaient ainsi le lieu ardu de leur utopie, et elles le font encore.

Certes nous distinguons entre les pensées d’apparence utopienne et les très grandes œuvres d’utopie, de Platon, Augustin ou More. Mais ces grandes œuvres elles-mêmes, dans leur quête et leur exigence de la Mesure, n’hésitaient pas à rejeter tout ce qui aurait pu être estimé inutile, accessoire, contingent, obscur ou fou, elles craignaient d’abord les démesures du sentiment, de l’idée, de l’imaginaire. Saint Augustin, poète de l’intuition sensible, ne cessait de s’effrayer d’une disposition en lui.

Nous comprenons pourquoi nos pensée de l’Utopie, qui ne sont pas uniment des pensées utopistes, ne projettent plus la réforme d’un objet donné, société humaine ou personne humaine : il y a tous ces objets, proposés par tous les peuples à la fois, il faut les mettre en relation plutôt que d’en élire un pour la parfaire, en ignorant les autres.

Nos pensées de l’Utopie ne conçoivent aucun exercice normatif qui inclinerait son objet vers une forme parfaite. D’où prendrions-nous la norme de cette perfection ?Serait-ce dans le dessin d’eau d’une plaine chinoise, ou dans le tremblement fixe d’un masque africain, ou dans le partage d’une façade inachevée d’église, sur une place de Bologne, indiquant mieux qu’aucun soleil la limite mystérieuse du jour et de la nuit ? C’est dans tout cela, en même temps, que nous trouvons prétextes et non pas norme, nous concevons ce lieu-commun, que la perfection n’est pas non plus une sublimation de toutes les perfections – il n’y s’agira pas de confondre tout dans tout mais, nous obstiant à nos poétique particulières, de les ouvrir les unes par les autres.

Nos pensées de l’Utopie ne choisissent plus, parmi tant de sensibilités,de beautés, d’obscurités et de clartés, elles s’efforcent d’accumiler.

Nous touchons alors à cette ardeur naissante de l’imprévisible du monde, nous hélons le bonheyr et devinons les souffrances silencieuses des peuples, que nous ayons ou non, çà et là, le privilège de la parole. Nous vivons la mesure et ne sommes pas contraints de son ordre ? Nous entonnons la démesure, et ne nous perdons pas dans son emportement. »


  

ARCHIPEL

Tout comme pour les traditionnelles notions qui fondaient le paysage intellectuel occidental, celle d’utopie paraît devoir être totalement reformulée, aux yeux de Glissant. C’est cette reformulation qu’il établit, en relation directe avec sa conception du rapport entre la Mesure, qu’il oppose à cette Démesure inhérente au monde contemporain, dans lequel l’utopie ne peut plus viser une perfection idéale, mais s’accorder au divers et à l’hétéroclite des situations, et s’accomoder des accumulations. Il s’agit en somme d’une définition plus relative de l’utopie et d’une mutation plurielle de la notion, là où préexistaient des desseins magistraux ; c’est ce qu’il explique dans La Cohée du Lamentin.

  

UTOPIE                                            

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ÉDOUARD

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